16.10.07

Mercredi

Mercredi


Cher Monsieur Belle,


Bien sûr je n'ai pas eu de réponse. Évidemment ! À quoi m'attendais-je ? Je me dis que je vais me replonger dans « Les fous de Baalbek » ou « SAS à Istanbul », même s'il est à haïr, autant que l'auteur d'ailleurs qui prend ses lecteurs pour des cons. Mais n'êtes-vous pas en train de faire pareil. Me prendre pour une conne ? Au moins y trouverais-je des pages passionnantes. Comme vous ce Devilliers a toujours été très préoccupé des femmes, il a toujours fait la chasse au bonheur, ce qui dans son langage veut dire séduire peloter pénétrer, pas d’autres buts dans la vie !


Oh ! Est-ce moi qui ai écrit ces mots ? Aurais-je tout oublié de mon éducation stricte et mes règles de bienséance ? Celles-là mêmes que j'oublie encore en vous avouant mon envie irrésistible, comme vous, irrépressible, de vous rencontrer, tant que je n'ai osé parler de cela à quiconque, je n'ai pas même consulté le grand catalogue des Éditions du Soleil pour savoir si vous aviez écrit autre chose que ce que j'en connais.

Mais je veux rencontrer celui qui m'a ébranlée, touchée et émue, fait partager joies et peines, richesses et clins d'oeil à une société en délire, la nôtre. J'ai adoré l'histoire intégrée des cosmonautes, la référence à Javert, les mots rares (qui d'autres oserait écrire aujourd'hui : abaca, diurèse, évagination, parler de Berchtesgaden, de Gary Cooper, de Florianopolis, dire de son héros qu'il s'habillait à la six-quatre-deux ?)

J’ai redécouvert le plaisir des mots le bonheur des mots, je veux découvrir l’homme. Je veux savoir si ce que vous me faites ressentir à la lecture de vos livres, à leur contact, ces sentiments divers, oscillant entre désir, plaisir, exaspération, voire frustration de ne pouvoir caresser que vos mots, seraient les mêmes face à vous. Pouvoir me trouver dans vos yeux, lire sur les traits de votre visage, caresser vos mains, apprendre les lignes de votre corps, les effleurer, les sentir, les toucher, avoir un échange, vibrant à votre lecture, au frôlement des courbes de votre corps ? viril ! comme je peux l'être avec l'arrondi de vos lettres, pouvoir ressentir une réciprocité. Pourrais-je vous plaire ? Est-ce que je vous plais dans mes correspondances ou vous importunent-elles ? Est-ce que je vous attire comme vous m’aimantez ? Est-ce que mon élan ici inavouable trouvera un écho ?,

Faites vous des pauses dans vos récits pour assouvir le désir que provoquent les mots ? Et si c'est le cas, est-ce à moi que vous rêvez ? Je me demande parfois comment notre rencontre pourrait être. Serait-ce une collision, une rencontre où chacun de nous se reconnaîtrait immédiatement ou serait-ce un long moment d'observation ?
Puis-je oser encore ! Je préfère nettement le choc de l'affrontement, brutal, nous aurions tout le temps de nous parler. Je monologue, j’attends le dialogue. Ne l’avez-vous pas cité : L’amour est la seule passion qui se paye d’une monnaie qu’elle fabrique elle-même.

Ma rue est pleine de gens, ma vie est encombrée de personnes revenues à l’ère glaciaire des sentiments, la sentimentalité nigaude voire larmoyante ne manque pas mais elles aiment le pathétique de pacotille, l’aluminium et le plastique.
J’ai le cœur enrhumé.

Comment finir, comment être lue, vue...
J’attends de vos nouvelles, Cher Monsieur Henri Belle.


Elisabeth Kubly

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